il fait beau

-Épisode 3-

Capucine, 39 ans, atteinte d’un myélome, dialogue avec Soraya, psychologue clinicienne. Cet échange entre la praticienne et sa patiente est une invitation à regarder la maladie comme source d’un renouvellement du sens de la vie.

Capucine : J’adore me lever le matin, commencer une nouvelle journée, comme si elle m’était offerte à portée de main. Quand j’ouvre le velux et que je dois fermer les yeux, car le ciel est d’un bleu éblouissant, je sens la vie éclater en moi.

Soraya : Combien de fois j’entends un patient me dire alors qu’il est hospi-talisé : «J’aimerais juste ouvrir cette fenêtre, sentir l’air sur ma peau ! Je n’en peux plus d’être enfermé ! » Ce dont tu témoignes, Capucine, me fait penser à la chanson de Pierre Perret « Quand le soleil entre dans ma maison », qui est une célébration de ce moment privilégié où l’on ouvre les yeux sur le monde et sur la vie.

Capucine : Quand j’ai eu mon autogreffe, il n’y avait pas de douche dans la chambre. Je me souviens de la première douche que j’ai prise à ma sortie, du contact de l’eau. C’était le grand bonheur, juste l’eau qui coule sur la peau. Quand j’avais 15 ans, une de mes amies m’a dit une phrase qui m’a accompagnée jusqu’à aujourd’hui : « C’est moi qui choisis la hauteur de la barre de mon bonheur.» Je peux la mettre très, très haute comme je peux aussi la placer assez basse, pour pouvoir aisément accéder à chaque petite joie que je rencontre sur mon chemin. C’est une question de choix.

Soraya : Oser ressentir, percevoir la vie avec l’ouverture de tous ses sens, c’est s’autoriser de nouveau à une forme de simplicité. Une simplicité qui rend heureux. Alors que nous disposons de plein de choses à portée de main, nous attendons « les vacances » ou « qu’un de nos projets se réalise ». Je retiens de mon expérience clinique qu’énormément de dépressions surviennent chez des personnes qui avaient obtenu tout ce qu’elles planifiaient d’avoir (maison, vie de couple, enfants…). Cela signifie que le bonheur ne se place pas à cet endroit. Un ami qui a doublé le Cap Horn (quatre jours de grosse mer), m’a dit qu’il avait trouvé LA définition du Bonheur : « C’est quand ton lit ne bouge pas ». Peut-être qu’une bonne douche prise en conscience, c’est du bonheur capitalisé !

Capucine : Voir la beauté de l’univers, tous les micro-changements de l’existence, me rassure aussi sur ma place dans le monde. Je me sens partie prenante de l’univers, je suis ce mouvement. Après avoir été spectatrice de ma propre existence, je ne veux surtout plus oublier d’être partie prenante de ce mouvement de vie.

Soraya : Je trouve ça génial que tu parles de micro-changements ! Nous avons oublié qu’un micro-changement est un changement, sauf que nous sommes incapables de le percevoir. Nous sommes tellement pris dans nos problèmes, dans nos peurs, que nous ne voyons pas les micro-changements, mais ils sont finalement la vie qui change, se transforme, évolue de manière invisible, jusqu’à un certain niveau où de nouveau la beauté de l’univers et de l’existence nous (re)devient perceptible.

Par Capucine, Soraya et Morgane

AF3M Bulletin N°32        www.af3m.org